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débats par des alternatives de crainte et d’espoir, et par la rivalité des prétentions qui se fondaient d’un côté sur une longue possession, de l’autre sur la faveur d’un souverain. Les chrétiens oubliaient tout-à-fait le véritable esprit de l’Évangile, et l’esprit de l’Église avait passé chez les païens. La fureur aveugle du zèle et de la vengeance avait éteint dans les familles tous les sentimens de la nature. On corrompait, on violait les lois ; le sang coulait dans les provinces d’Orient, et l’empire n’avait pas de plus redoutables ennemis que ses propres citoyens. Jovien, élevé dans les principes et dans l’exercice de la foi chrétienne, fit déployer l’étendard de la croix à la tête des légions dans sa marche de Nisibis à Antioche, et le labarum de Constantin annonça aux peuples les sentimens religieux du nouvel empereur. Dès qu’il eut pris possession du trône, il fit passer aux gouverneurs de toutes les provinces une lettre circulaire dans laquelle il confessait les vérités de l’Évangile, et assurait l’établissement légal de la religion chrétienne. Les insidieux édits de Julien furent abolis, les immunités ecclésiastiques furent rétablies et étendues[1], et Jovien voulut bien exprimer ses regrets

  1. Jovien rendit à l’Église τον αρχαιον κοσμον, expression forte et intelligible. (Philostorgius, l. VIII, c. 5. Dissertat. de Godefroy, p. 329 ; Sozomène, l. VI, c. 3.) La nouvelle loi, qui condamnait le rapt ou le mariage des religieuses (Cod. Theod., l. IX, tit. XXV, leg. 2), est exagérée par Sozomène, qui suppose qu’un regard amoureux, l’adultère du cœur, était puni de mort par le législateur évangélique.