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Les premiers chrétiens ne croyaient pas que l’institution primitive du gouvernement civil eût été fondée sur le consentement des peuples ; ils attribuaient son origine aux décrets de la Providence. Quoique l’empereur régnant eût usurpé le sceptre par le meurtre et par la perfidie, il prit immédiatement le titre sacré de lieutenant de la Divinité. Il ne devait compte qu’à elle de l’abus de sa puissance, et ses sujets se trouvaient indissolublement liés, par leur serment de fidélité, à un tyran qui avait violé les lois sociales et celles de la nature. Les humbles chrétiens étaient envoyés dans ce monde comme des brebis au milieu des loups ; et puisqu’il leur était défendu d’employer la violence, même pour la défense de leur religion, il leur était encore moins permis de répandre le sang humain pour la conservation de vains priviléges, ou pour les misérables intérêts d’une vie transitoire. Fidèles à la doctrine de l’apôtre qui prêchait, pendant le règne de Néron, une soumission aveugle, les chrétiens des trois premiers siècles ne souillèrent la pureté de leur conscience, ni par des révoltes, ni par des conspirations, et ils souffrirent les plus cruelles persécutions sans essayer de s’en défendre en prenant les armes contre leurs tyrans, ou de l’éviter en fuyant dans quelque coin reculé du globe[1]. On a fait une comparaison odieuse

    Grotius, De jure belli et pacis, l. I, c. 3. 4. Grotius était républicain et exilé ; mais la douceur de son caractère le disposait à soutenir l’autorité établie.

  1. Tertullien, Apolog., c. 32, 34, 35, 36. Tamen nun-