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froid : mais comme les Barbares qui combattaient sous les drapeaux de l’empire, réunissaient tous ces avantages, leurs redoutables efforts, dirigés par un chef habile, décidèrent le succès de la journée. Les Romains perdirent quatre tribuns et deux cent quarante trois soldats dans la mémorable bataille de Strasbourg, si glorieuse pour le jeune César[1], et si heureuse pour les provinces opprimées de la Gaule. Six mille Allemands perdirent la vie, sans compter ceux qui furent noyés dans le Rhin, ou percés de dards tandis qu’ils tâchaient de le passer à la nage[2], Chnodomar lui-même fut entouré et pris avec trois de ses braves compagnons d’armes

  1. Julien lui-même (ad S. P. Q. Athen., p. 279) parle de la bataille de Strasbourg avec cette modestie que donne le sentiment intérieur du mérite : εμαχεσαμην ο‌υκ ακλεως, ισως και εις υμας αφικετο η τοιαυτη μαχη. Zosime la compare à la victoire d’Alexandre sur Darius, et cependant nous n’avons pu découvrir aucun de ces traits frappans du génie militaire d’un général, qui fixent l’attention de la postérité sur la conduite et le succès d’une bataille.
  2. Ammien, XVI, 12. Libanius augmente de deux mille le nombre des morts (orat. 10, p. 274) ; mais ces faibles différences sont peu de chose en comparaison de soixante mille Barbares que Zosime sacrifie à la gloire de son héros. (l. III, p. 141.) Nous pourrions accuser de cette extravagance la négligence des copistes, si cet historien crédule ou partial n’avait pas converti l’armée des Allemands, qui n’était que de trente-cinq mille combattans, en une multitude innombrable de Barbares, πληθος απειρον βαρβαρων. Nous serions coupables, d’après cette découverte, de donner trop légèrement notre confiance à de semblables récits.