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corde et réunir les suffrages ; et ce respectable préfet eût été sur-le-champ déclaré successeur de Julien, s’il n’eût avec sincérité représenté d’un ton aussi ferme que modeste, que son âge et ses infirmités ne lui laissaient plus la force de soutenir le poids du diadème. Les généraux, surpris et embarrassés de son refus, parurent disposés à suivre l’avis salutaire d’un officier inférieur[1], qui leur conseilla de faire ce qu’ils eussent fait dans l’absence de l’empereur, de mettre en œuvre tous les moyens pour tirer l’armée de la situation effrayante où elle se trouvait, et, s’ils avaient le bonheur de gagner les confins de la Mésopotamie, de procéder alors, avec maturité et de bonne intelligence, à l’élection d’un souverain légitime. Pendant qu’ils délibéraient, un petit nombre de voix saluèrent des noms d’empereur et d’Auguste, Jovien, qui n’était que le premier des domestiques[2]. Cette acclamation tumultueuse fut répétée au même instant par les gardes qui environnaient la tente, et en peu de minutes elle se répandit jusqu’aux extrémités du camp. Jovien, étonné de sa fortune et revêtu à la hâte du costume impérial, reçut le serment de

  1. Honoratior aliquis miles : ce fut peut-être Ammien lui-même. Cet historien modeste et judicieux décrit l’élection à laquelle il assista sûrement, XXV, 5.
  2. Le primus ou primicerius jouissait des mêmes dignités que les sénateurs, et quoiqu’il ne fût que tribun, il avait le rang des ducs militaires. (Cod. Theod., l. VI, tit. 24.) Au reste, ces priviléges sont peut-être postérieurs au règne de Jovien.