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vit brûler la flotte et qui ne put désapprouver le murmure des troupes[1]. Toutefois, s’il fallait justifier cette résolution, on ne manquerait pas de raisons spécieuses et peut-être assez solides. L’Euphrate n’a jamais été navigable qu’à partir de Babylone, et le Tigre à partir d’Opis[2]. Opis était peu éloigné du camp des Romains, et Julien aurait renoncé bientôt à la vaine entreprise de faire remonter une grande flotte contre le courant d’un fleuve rapide[3], embarrassé en plusieurs endroits de cataractes naturelles ou artificielles[4]. La force des voiles et des rames ne suffisait pas, il eût fallu remorquer les navires : ce pénible travail aurait épuisé vingt mille soldats ; et si les Romains eussent continué leur

  1. Voyez Ammien, XXIV, 7 ; Libanius, orat. parent., c. 132, 133, p. 356, 357 ; Zosime, l. III, p. 183 ; Zonare, t. II, l. XIII, p. 26 ; saint Grégoire de Nazianze, orat. 4, p. 116 ; saint Augustin, De civit. Dei, l. IV, c. 29 ; l. V, c. 21. De tous ces écrivains Libanius est le seul qui essaie faiblement de justifier son héros, lequel, selon Ammien, prononça lui-même sa condamnation, puisqu’il essaya trop tard et en vain d’éteindre les flammes.
  2. Consultez Hérodote, l. I, c. 194 ; Strabon, l. XVI, p. 1074, et Tavernier, part. I, l. II, p. 152.
  3. A celeritate Tigris incipit vocari, ita appellant Medi sagittam. (Pline, Hist. nat., VI, 31.)
  4. Tavernier (part. I, l. II, p. 226) et Thévenot (part. II, l. I, p. 193) parlent d’une digue qui produit une cascade ou cataracte artificielle. Les Perses et les Assyriens travaillaient à interrompre la navigation du fleuve. (Strabon, l. XV, p. 1075 ; d’Anville, l’Euphrate et le Tigre, p. 98, 99.)