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suspect qu’il se donne à lui-même. Mais la sage équité des deux magistrats civils était contrebalancée par la violence féroce des quatre généraux, Nevitta, Agilo, Jovin et Arbetio. Arbetio, que le public aurait vu avec moins d’étonnement sur la sellette que sur un tribunal, passait pour avoir le secret de la commission. Les chefs armés et furieux des bandes Jovienne et Herculienne environnaient le tribunal, et les juges obéissaient alternativement aux règles de la justice et aux clameurs d’une faction[1].

Exécution des innocens et des coupables.

Le chambellan Eusèbe, qui avait abusé si longtemps de la faveur de Constance, expia par une mort ignominieuse, l’insolence, la corruption et les fureurs de son règne servile. Les exécutions de Paul et d’Apodème, dont le premier fut brûlé vif, passèrent pour une faible réparation aux yeux des veuves et des orphelins de cette foule de citoyens romains trahis et assassinés par eux. Mais la justice elle-même, si nous pouvons faire usage de l’expression pathétique d’Ammien[2], pleura sur le sort d’Ursule, trésorier de l’empire ; et sa mort fut une tache d’ingratitude dans la vie de Julien, que cet intrépide et vertueux ministre avait libéralement secouru dans ses besoins. La fureur des soldats irrités d’une dé-

  1. Ammien rend compte des formes judiciaires de cette chambre de justice, XXII, 3 ; et Libanius en fait l’éloge. (Orat. parent., c. 74, p. 299, 300.)
  2. Ursuli vero necem ipsa mihi videtur flêsse justicia. Libanius, qui accuse les soldats de sa mort, tâche d’inculper le comte des largesses.