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avec leur argent le droit de vivre dans l’aisance et dans l’oisiveté, aux dépens du revenu public. Le pillage d’une énorme maison, les supplémens de profits et de gratifications bientôt réclamés comme un droit, et les dons qu’ils arrachaient également de ceux qui craignaient leur haine et de ceux qui réclamaient leur faveur, enrichissaient promptement ces valets audacieux. Ils dissipaient leurs richesses sans réfléchir à la misère dont ils venaient de sortir, et dans laquelle ils pouvaient encore retomber, et l’excès de leurs rapines et de leur vénalité ne pouvait se comparer qu’à l’extravagance de leurs dissipations. Ils portaient des robes de soie brodées d’or, leurs tables étaient servies avec délicatesse et profusion ; les maisons construites pour leur servir d’habitation occupaient plus de terrain que le patrimoine d’un ancien consul ; et les citoyens les plus distingués étaient forcés de descendre de leurs chevaux pour saluer respectueusement un eunuque qu’ils rencontraient sur les grands chemins. Le luxe du palais excita le mépris et l’indignation de Julien, qui couchait habituellement sur le plancher, qui s’accordait à peine les premières nécessités de la vie, et qui plaçait sa vanité, non pas dans l’imitation, mais dans le mépris du faste de la royauté. Il était impatient que la suppression totale d’un abus dont l’opinion publique exagérait encore l’étendue, diminuât les impôts et apaisât les murmures des peuples, qui supportent plus docilement le poids des taxes quand ils sont convaincus que le fruit de leur industrie est appliqué