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et le nombre des eunuques ne pouvait se comparer qu’à celui des insectes dans un jour d’été[1]. Le monarque, qui cédait volontiers à ses sujets la supériorité de mérite et de vertu, se distinguait par la désastreuse magnificence de ses habits, de sa table, de ses bâtimens et de sa suite. Les palais, construits par Constantin et par ses fils, étaient décorés d’un grand nombre de marbres colorés et d’ornemens d’or massif. Les jouissances de la sensualité la plus raffinée étaient rassemblées moins pour satisfaire leur goût que leur vanité. Des oiseaux des climats les plus éloignés, des poissons de l’extrémité des mers, des fruits hors de leur saison, des roses d’hiver et des neiges dans la canicule[2]. La dépense de cette multitude de domestiques du palais surpassait celle des légions ; et il n’y en avait qu’une faible partie qui servît à l’utilité ou même à la splendeur du trône. La plupart de ces charges vénales et obscures, la honte du prince et la ruine des peuples, n’étaient qu’honorifiques, et les plus vils de la nation pouvaient acheter

  1. Μαγειρο‌υς μεν χιλιο‌υς, κο‌υρεας δε ο‌υκ ελαττο‌υς, οινοχοο‌υς δε πλειο‌υς, σμηνη τραπεζοποιων, ευνο‌υχο‌υς υπερ τας μυιας παρα τοις ποιμεσι εν ηρι. Telles sont les expressions de Libanius, que je transcris fidèlement, pour ne pas être soupçonné d’avoir exagéré les abus du palais.
  2. Mamertin s’exprime avec force et vivacité. Quin etiam prandiorum et cænarum laboratas magnitudines romanus populus sensit ; cùm quæsitissimæ dapes non gustu, sed difficultatibus æstimarentur ; miracula avium, longinqui maris pisces, alieni temporis poma, æstivæ nives, hybernæ rosæ.