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de son diadème, s’il eut fallu qu’ils soumissent leur temps et leurs actions aux lois rigoureuses que s’était imposées leur empereur. Un de ses plus intimes amis[1], qui partageait souvent sa table simple et frugale, a remarqué que ses mets légers et peu abondans (ordinairement composés de végétaux) lui laissaient toujours la liberté de corps et d’esprit nécessaire aux différentes occupations d’un auteur, d’un pontife, d’un magistrat, d’un général et d’un monarque. Dans un même jour, il donnait audience à plusieurs ambassadeurs ; il dictait et écrivait un grand nombre de lettres aux magistrats civils, à ses généraux, à ses amis particuliers et aux différentes villes de son empire. Il écoutait la lecture des mémoires qu’on lui présentait, réfléchissait sur les demandes, et dictait ses réponses plus vite qu’aucun secrétaire ne pouvait les écrire en abrégé. Il avait une si extrême flexibilité d’esprit, une attention si facile et si soutenue, qu’il pouvait employer en même temps sa main à écrire, son oreille à écouter, sa voix à dicter, et suivre ainsi à la fois trois différentes chaînes d’idées sans jamais hésiter ni les confondre. Lorsque ses ministres se reposaient, il volait d’un travail à un autre ; après un court repas, il se retirait dans sa bibliothéque et se livrait à l’étude jusqu’à l’heure

  1. Libanius (orat. parental., c. 84, 85, p. 310, 311, 312) a donné ce détail intéressant de la vie privée de Julien. Ce prince (in Misopogon, p. 350) parle lui-même de sa frugalité, et déclame contre la voracité sensuelle des habitans d’Antioche.