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par différens motifs, soit temporels, soit spirituels, s’empressaient rarement d’acquérir la perfection du caractère sacré de chrétien. Le sacrement du baptême assurait l’expiation absolue de tous les péchés ; il réintégrait les âmes dans leur pureté primitive, et leur donnait un droit certain aux promesses d’une éternelle félicité. Parmi les prosélytes de la foi chrétienne, un grand nombre regardait comme très imprudent de précipiter un secours salutaire qu’on ne pouvait recevoir qu’une fois, et de perdre un privilége inestimable qu’il était impossible de recouvrer. Au moyen de ce retard, ils se livraient sans inquiétude aux plaisirs de ce monde et à la voix de leurs passions, en conservant toujours les moyens de se procurer une absolution facile et sûre[1]. La su-

  1. Les pères de l’Église qui ont blâmé ce délai criminel, ne pouvaient nier cependant l’efficacité du baptême, même au lit de la mort. La rhétorique ingénieuse de saint Chrysostôme ne put trouver que trois argumens contre la prudence des chrétiens qui différaient leur baptême. 1o. Que nous devons aimer et pratiquer la vertu par amour pour elle, et non pas pour en obtenir la récompense ; 2o. que la mort peut nous surprendre au moment où nous n’avons aucune possibilité de nous procurer le baptême ; 3o. que, quoique placés dans le ciel, nous n’y paraîtrons que comme de faibles étoiles auprès de ces soleils de justice qui auront fourni avec succès et avec gloire une carrière marquée par les travaux. Saint Chrysostôme, in Epist. ad Hebræos, homil. 13 ; apud Chardon, Hist. des Sacremens, t. I, p. 49. Je crois que ce délai du baptême, quoique la source des abus les plus pernicieux, n’a jamais été condamné par au-