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dis qu’un miroir trompeur l’amusait d’une fausse apparence de prospérité publique, sa nonchalance leur permettait d’intercepter les plaintes des provinces opprimées, d’accumuler d’immenses trésors par la vente de la justice et des honneurs, d’avilir les plus importantes dignités par l’élévation des hommes obscurs qui achetaient d’eux les moyens d’oppression[1], et de satisfaire leur ressentiment contre quelques âmes fermes qui refusaient audacieusement de faire leur cour à des esclaves. Le plus distingué d’entre eux était le chambellan Eusèbe, qui dirigeait si despotiquement l’empereur et son palais, qu’on pouvait dire, d’après l’expression satirique d’un écrivain impartial, que Constance jouissait de quelque crédit auprès de cet impérieux favori[2]. Ce fut par ses intrigues artificieuses que ce prince souscrivit la sentence de l’infortuné Gallus, et ajouta ce crime à la longue liste des exécutions barbares et

    le cours de cette histoire impartiale sert à justifier les invectives de Mamertin, de Libanius et de Julien lui-même, qui ont déclamé contre les vices de la cour de Constance.

  1. Aurelius-Victor blâme la négligence que son souverain a mise dans le choix de ses gouverneurs de province et des généraux de ses armées, et finit son histoire par une observation très-hardie, qu’il est moins dangereux, sous un règne faible, d’attaquer la personne du monarque que celle de ses ministres.
    Uti verum absolvam brevi, ut imperatore ipso clarius ita apparitorum plerisque magis atrox nihil.
  2. Apud quem (si verè dici debeat) multùm Constantius potuit. Ammien, l. XVIII, c. 4.