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de leur portée. La vertu des premiers chrétiens, semblable à celle des premiers citoyens de la république romaine, fut très-souvent gardée par leur pauvreté et leur ignorance.

Leurs sentimens concernant le mariage et la chasteté.

La chaste sévérité des pères, dans tout ce qui avait rapport au commerce des deux sexes, venait du même principe, de leur horreur pour toutes les voluptés qui pouvaient satisfaire les appétits sensuels de l’homme, et dégrader sa nature spirituelle. Ils aimaient à croire que, si Adam eût persévéré dans son obéissance au Créateur, il aurait toujours vécu dans un état de pureté virginale, et qu’alors quelque mode de végétation, exempt d’impureté, aurait peuplé le paradis d’êtres innocens et immortels[1]. L’usage du mariage fut permis, après sa chute, à sa postérité, seulement comme un expédient nécessaire pour perpétuer l’espèce humaine et comme un frein, toutefois imparfait, contre la licence naturelle de nos désirs. L’embarras des casuistes orthodoxes sur ce sujet intéressant décèle la perplexité d’un législateur qui ne voudrait point approuver une institution qu’il est forcé de tolérer[2]. L’énumération des lois bizarres et minutieuses dont ils avaient entouré le lit nuptial, arracherait un sourire au jeune époux, et ferait rougir la vierge modeste. Ils prétendaient

  1. Beausobre, Hist. critique du manichéisme, l. VII, c. 3. Saint Justin, saint Grégoire de Nysse, saint Augustin, etc. sont fortement portés pour cette opinion.
  2. Quelques-uns des gnostiques étaient plus conséquens ; ils rejetaient l’usage du mariage.