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vertu. Les évêques et les docteurs de l’Église, dont le témoignage atteste, et dont l’autorité pouvait diriger la foi, les principes et même la conduite de leurs contemporains, avaient étudié les Écritures avec moins de sagacité que de dévotion ; ils prenaient souvent dans le sens le plus littéral ces préceptes rigides, enseignés par Jésus-Christ et par ses apôtres, et que dans la suite des commentateurs prudens ont expliqués d’une manière moins stricte et plus figurée. Animés du désir d’élever la perfection de l’Évangile au-dessus de la doctrine de la philosophie, les pères ont porté dans leur zèle les devoirs de la mortification de soi-même, de la pureté et de la patience, à une hauteur où il nous est à peine possible d’atteindre, et bien moins encore de nous soutenir dans notre état présent de faiblesse et de corruption. Une doctrine si extraordinaire et si sublime, ne pouvait manquer d’attirer la vénération du peuple ; mais elle n’était nullement propre à gagner le suffrage de ces philosophes mondains, qui, dans le cours de cette vie passagère, ne consultent que les mouvemens de la nature et l’intérêt de la société.[1]

Principes de la nature humaine.

Dans les caractères les plus vertueux et les plus honnêtes, il est facile de démêler deux penchans bien naturels ; l’amour du plaisir et l’amour de l’ac-

  1. Voyez un traité fort judicieux de Barbeyrac sur la morale des pères.