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Si la vérité de quelques-uns de ces miracles est appréciée par leur utilité apparente, chaque siècle avait des incrédules à convaincre, des hérétiques à réfuter et des nations idolâtres à convertir. Il a toujours été possible de produire des motifs suffisans pour justifier l’intervention du ciel ; et cependant, puisqu’on ne peut admettre de révélation sans être persuadé de la réalité des miracles, et que, de l’aveu de tout homme raisonnable, cette puissance surnaturelle a cessé, il a donc évidemment existé quelque période où le don des miracles a été enlevé subitement, ou par degré, à l’Église chrétienne. Quelle qu’ait été l’époque choisie pour un pareil dessein, que cette révolution soit arrivée à la mort des apôtres, à la conversion de l’Empire romain ou à l’extinction de l’hérésie arienne[1], l’insensibilité des chrétiens qui vécurent alors, excitera toujours avec raison notre surprise. Ils conservèrent toujours leurs prétentions après avoir perdu leur pouvoir. La crédulité exerça les fonctions de la foi ; il fut permis au fanatisme de prendre le langage de l’inspiration ; et les effets du hasard ou les prestiges de l’imposture furent attribués à des causes divines. L’exemple récent des véritables miracles aurait dû faire connaître, à l’univers chrétien, les voies de la Providence ; et si

  1. La conversion de Constantin est l’époque le plus communément fixée par les protestans. Les théologiens raisonnables ne sont pas disposés à admettre les miracles du quatrième siècle, tandis que les théologiens crédules ne veulent pas rejeter ceux du cinquième.