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simuler la difficulté qu’il éprouve à trouver une théorie qui puisse concilier l’intérêt de la religion avec celui de la raison, à faire une application convenable de cette théorie, et à tracer avec précision les limites de cette période fortunée ; exempte de fraude et d’erreur, à laquelle nous croyons pouvoir assigner le don des pouvoirs surnaturels. Depuis le premier des pères jusqu’au dernier des papes, il se présente une succession non interrompue d’évêques, de saints, de martyrs et de miracles ; et en même temps les progrès de la superstition ont été si suivis et si imperceptibles, que nous ne savons dans quel anneau particulier la chaîne de la tradition doit être rompue. Chaque siècle atteste authentiquement les événemens merveilleux qui l’ont distingué ; et son témoignage ne paraît d’abord ni moins puissant, ni moins respectable que celui de la génération précédente. Si bien, qu’insensiblement nous sommes conduits à ne pouvoir, sans une inconséquence avouée, refuser, dans le huitième ou le douzième siècle, au vénérable Bède et à saint Bernard, le même degré de confiance que nous avons accordé si libéralement, dans le second, à saint Justin et à saint Irénée[1].

  1. Il est assez singulier que saint Bernard, fondateur de Clairvaux, rapporte tant de miracles de son ami saint Malachie, et qu’il ne fasse aucune mention de ses propres miracles, que cependant ses compagnons et ses disciples ont pris soin à leur tour de célébrer. Dans toute la suite de l’histoire ecclésiastique, existe-t-il un seul exemple d’un saint qui se dise doué du don des miracles ?