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dont la foi portait sur une base bien plus ferme, livrait sans balancer aux supplices éternels la partie la plus considérable de l’espèce humaine. On pouvait se permettre une espérance charitable en faveur de Socrate ou de quelques autres sages de l’antiquité qui avaient consulté la lumière de la raison avant qu’on eût vu briller celle de l’Évangile[1] ; mais on assurait unanimement que les idolâtres, qui, depuis la naissance ou la mort de Jésus-Christ, avaient opiniâtrement persisté dans le culte des démons, ne méritaient ni ne pouvaient attendre de pardon de la justice d’un dieu irrité. Ces sentimens rigides, qui avaient été inconnus au monde ancien, paraissent avoir répandu de l’amertume dans un système d’amour et d’harmonie. Souvent la différence des religions rompit les nœuds du sang et de l’amitié. Les fidèles qui gémissaient dans ce monde sous la puissance tyrannique des païens, s’abandonnaient quelquefois à leur ressentiment ; et, trompés par des mouvemens d’un orgueil spirituel, ils se plaisaient à comparer leur triomphe futur avec les tourmens réservés à leurs ennemis. « Vous aimez les spectacles, s’écrie le sévère Tertullien : attendez le plus grand de tous les

    opinion plus modérée, et il n’a pas moins scandalisé les luthériens que les catholiques. Voyez Bossuet, Histoire des variations, l. II, c. 19-22.

  1. Saint Justin et saint Clément d’Alexandrie conviennent que quelques-uns des philosophes furent instruits par le Logos ; confondant la double signification de ce mot, qui exprime la raison humaine et le verbe divin.