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des apôtres, jusqu’à Lactance, précepteur du fils de Constantin[1], tous les pères de l’Église ont eu soin d’annoncer ce millenaire ; quoique cette idée pût n’être pas universellement adoptée, elle paraît avoir été dominante parmi les chrétiens orthodoxes ; et elle semble si bien adaptée aux désirs et aux craintes du genre humain, qu’elle a dû contribuer beaucoup au progrès de la religion chrétienne. Mais lorsque l’édifice de l’Église eut été presque entièrement achevé, on mit de côté les instrumens qui avaient servi à sa construction. La doctrine du règne de Jésus-Christ sur la terre, traitée d’abord d’allégorie profonde, parut par degrés incertaine et inutile ; elle fut enfin rejetée comme l’invention absurde de l’hérésie et du fanatisme[2] : une prophétie mystérieuse, qui forme encore une partie du canon sacré, mais que l’on croyait favorable à l’opinion du moment, n’échappa qu’avec peine à la sentence de l’Église[3].

  1. Que saint Justin et ses frères orthodoxes aient ajouté foi à la doctrine d’un millenaire, c’est ce qui est prouvé de la manière la plus claire et la plus solennelle (Dialog. cum Tryph. Jud., p. 177, 178, édit. Benedict,). Si, dans le commencement de cet important passage, on aperçoit quelque chose qui ait l’apparence de l’inconséquence, nous pouvons en accuser, selon que nous jugerons à propos, soit l’auteur, soit ses copistes.
  2. Dupin, Biblioth. ecclesiast., tom. I, p. 223, tom. II, p. 366, et Mosheim, p. 720, quoique le dernier de ces savans théologiens ne soit pas ici tout-à-fait impartial.
  3. Dans le concile de Laodicée (vers l’an 360), l’Apoca-