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Doctrine des millenaires.

L’ancienne doctrine des millenaires, qui eut tant de partisans, tenait intimement à l’opinion de la seconde venue du Messie. Comme les ouvrages de la création avaient été finis en six jours, leur état actuel était fixé à six mille ans[1], selon une tradition attribuée au prophète Élie. Par la même analogie on prétendait qu’à cette longue période, alors presque accomplie[2], de travaux et de disputes, succéderait un joyeux sabbat de dix siècles, et que Jésus-Christ, suivi de la milice triomphante des saints et des élus échappés à la mort, ou miraculeusement rappelés à

    d’une génération qu’il veut parler. Le vrai sens est donc, selon ces érudits : « Je vous dis en vérité que la race d’hommes (que vous commencez) ne passera point que tout cela n’arrive. » C’est-à-dire, que la succession des chrétiens ne cessera pas avant sa venue. Voyez le Commentaire de M. Paulus sur le nouv. Testament, édit. de 1802, t. III, p. 445 et 455. (Note de l’Éditeur.)

  1. Voyez la Théorie sacrée de Burnet, part. III, c. 5. On peut faire remonter cette tradition jusqu’à l’auteur de l’épître de saint Barnabé, qui écrivait dans le premier siècle, et qui paraît avoir été un de ces chrétiens judaïsans.
  2. L’Église primitive d’Antioche comptait près de six mille ans depuis la création du monde jusqu’à la naissance de Jésus-Christ ; Jules-Africain, Lactance et l’Église grecque ont réduit ce nombre à cinq mille cinq cents : Eusèbe se contente de cinq mille deux cents années. Ces calculs étaient appuyés sur la version des Septante, qui fut universellement reçue durant les six premiers siècles. L’autorité de la Vulgate, et du texte hébreu a déterminé les modernes, tant protestans que catholiques, à préférer une période de quatre mille ans environ, quoiqu’en étudiant l’antiquité profane, ils se trouvent souvent resserrés dans d’étroites limites.