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des dieux pénates, que le laurier était consacré à l’amant de Daphné, et que ces guirlandes de fleurs, quoique souvent le symbole de la joie ou de la tristesse, avaient été employées, dans leur première origine, au service de la superstition. Ceux des chrétiens qui se déterminaient à suivre, sur ce point, les coutumes de la patrie, et les ordres du magistrat, éprouvaient de terribles agitations : en proie aux plus sombres alarmes, ils redoutaient les reproches de leur conscience, les censures de l’Église, et l’annonce de la vengeance divine[1].

  1. Tertullien a composé un ouvrage pour défendre ou plutôt pour célébrer l’action téméraire d’un soldat chrétien, qui, en jetant sa couronne de laurier, avait exposé sa personne et celle de ses frères au danger le plus imminent (*). Comme il parle des empereurs (Sévère et Caracalla), il est évident, quoi qu’en veuille penser M. de Tillemont, que Tertullien composa son traité De corona long-temps avant qu’il eût adopté les erreurs des montanistes (**). Voyez Mém. ecclésiast., tom. III, p. 384.
    (*) Ce soldat n’arracha point la couronne de sa tête pour la jeter ignominieusement ; il ne la jeta même point, il se contenta de la porter à la main, tandis les autres s’en ceignaient le front. Lauream castrensem quam cœteri in capite, hic in manu gestabat. (Argum. de coronâ militis., Tertull., p. 100.) (Note de l’Éditeur.)
    (**) Tertullien ne nomme point expressément les deux empereurs Sévère et Caracalla ; il parle seulement de deux empereurs et d’une longue paix dont avait joui l’Église. On convient en général que Tertullien devint montaniste vers l’an 200 ; son ouvrage De coronâ militis paraît avoir été écrit au plus tôt vers l’an 202 avant la persécution de Sévère ; on peut donc soutenir qu’il est postérieur au montanisme de l’auteur. Voyez Mosheim, Dissert. de Apolog. Tertull., p. 53 ; Biblioth. rais., Amsterd., t. II, part. II, p. 292 ; docteur Cave, Hist. littér., p. 92, 93. (Note de l’Éditeur)