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furent élevées pour retenir de tous côtés les eaux. Sur ce lac artificiel, une flotte de vaisseaux armés, chargés de soldats et de machines qui lançaient des pierres du poids de cinq cents livres, s’avança en ordre de bataille, et combattit presque de plain pied les troupes qui défendaient les remparts. La force irrésistible des eaux fut alternativement fatale aux deux partis, jusqu’à ce que le mur, ne pouvant soutenir un poids qui augmentait à chaque instant, s’écroula enfin en partie, et présenta une énorme brèche de cent cinquante pieds de longueur. Les Persans furent aussitôt conduits à l’assaut, et l’événement de cette journée devait décider du destin de Nisibis. La cavalerie pesamment armée qui conduisait la tête d’une profonde colonne s’embourba dans le limon des terres délayées, et un grand nombre de cavaliers furent engloutis dans des trous recouverts par les eaux. Les éléphans, furieux de leurs blessures, augmentaient le désordre, et écrasaient sous leurs pieds des milliers d’archers persans. Le grand roi, qui, de la hauteur où l’on avait placé son trône, contemplait avec indignation le mauvais succès de son entreprise, fit à regret donner le signal de la retraite, et suspendit l’attaque jusqu’au lendemain. Mais les vigilans défenseurs de Nisibis profitèrent avec activité des ombres de la nuit, et le lever de l’aurore découvrit un nouveau mur déjà haut de six pieds, qu’ils continuaient à élever pour remplir la brèche. Trompé dans son espérance, Sapor ne perdit point courage ; et malgré la perte de vingt mille hommes, il conti-