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tième année du règne de Constantin, et l’empereur se transporta avec toute sa cour de Nicomédie à Rome, où l’on avait fait les plus superbes préparatifs pour sa réception. Tous les yeux, toutes les bouches affectaient d’exprimer le sentiment d’un bonheur général, et le voile de la dissimulation couvrit un moment les sombres projets d’une vengeance sanguinaire[1]. L’empereur oubliant à la fois la tendresse d’un père et l’équité d’un juge, fit arrêter, au milieu de la fête, l’infortuné Crispus. L’information fut courte et secrète[2] ; et comme on jugea décent de dérober aux regards des Romains le spectacle de la mort du jeune prince, on l’envoya, sous une forte garde, à Pole en Istrie, où, peu de temps après, il perdit la vie, selon les uns, par la main du bourreau, selon les autres, par l’opération moins violente du poison[3]. Licinius César, jeune prince

  1. Zosime, l. II, p. 103 ; Godefroy, Chronol. leg., p. 28.
  2. Αχριτως, sans formes judiciaires. Telle est l’expression énergique et vraisemblablement très-juste de Suidas. Victor l’ancien, qui écrivit sous le règne suivant, s’énonce avec précaution : Natu grandior incertum quâ causâ, patris judicio, occidisset. Si on consulte les écrivains postérieurs, Eutrope, Victor le jeune, Orose, saint Jér., Zosime, Philostorgius, et Grégoire de Tours, on verra que leur assurance s’accroît à mesure que les moyens qu’ils ont de connaître la vérité diminuent ; remarque qu’on a souvent occasion de faire dans les recherches historiques.
  3. Ammien (l. XIV, c. 11) emploie l’expression générale peremptum. Codinus (p. 34) dit que le jeune prince fut décapité ; mais Sidonius Apollinaris (epistola, V, 8) lui fait