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Quelque terribles que puissent nous paraître ces maux, ils ne tombaient que sur un petit nombre de sujets romains, dont les dangers étaient, en quelque façon, compensés par les avantages de la nature ou de la fortune qui les exposaient aux soupçons du monarque. Ces millions d’habitans obscurs qui composent la masse d’un grand empire, ont moins à craindre de la cruauté que de l’avarice de leur maître. Leur humble bonheur n’est troublé que par l’excès des impositions qui, passant légèrement sur les citoyens opulens, tombent, en doublant de poids et de vitesse, sur la classe faible et indigente de la société. Un philosophe ingénieux[1] a calculé la mesure universelle des taxes publiques, par les degrés de servitude et de liberté, et il essaie de soutenir que d’après une règle invariable de la nature, on peut lever des tributs plus forts en proportion de la liberté des sujets, et qu’on est forcé de les modérer à mesure que la servitude augmente ; mais cette assertion, qui tendrait à adoucir le tableau des misères qui suivent le despotisme, est au moins contredite par l’histoire de l’Empire romain, qui accuse les mêmes

    cités dans les Pandectes, qui ait osé justifier l’usage universel de la torture dans tous les cas de crime de lèse-majesté ; mais plusieurs lois des successeurs de Constantin donnent de la force à cette maxime de tyrannie, qu’Ammien admet avec une respectueuse terreur (l. XIX, c. 12). Voyez le code Théodos., l. IX, tit. 35. In majestatis crimine omnibus æqua est conditio.

  1. Montesquieu, Esprit des lois, l. XIII, c. 12.