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muniquer aux provinces les noms des consuls de l’année, les édits et les victoires des empereurs. S’étant ingérés peu à peu de rapporter à la cour tout ce qu’ils pouvaient observer de la conduite des magistrats et des particuliers, ils furent regardés comme les yeux du prince[1] et le fléau des citoyens. L’influence propice d’un règne faible les multiplia jusqu’au nombre incroyable de dix mille. Ils méprisèrent les douces mais fréquentes admonitions des lois, et exercèrent dans la régie des postes les exactions les plus odieuses et les vexations les plus insolentes. Ces espions officiels, qui avaient une correspondance exacte avec le palais, furent encouragés, par des faveurs et des récompenses, à surveiller attentivement les progrès de tout dessein criminel, depuis les symptômes faibles et sourds du mécontentement, jusqu’aux préparatifs d’une révolte ouverte. Ils couvraient du masque révéré du zèle, la légèreté ou la perfidie avec laquelle ils violaient continuellement la justice et la vérité, et lançaient impunément leurs traits empoisonnés dans le sein du criminel ou de l’innocent qui s’était attiré leur haine, ou qui avait refusé d’acheter leur silence. Un sujet fidèle, habitant peut-être la Bretagne ou la Syrie, était exposé au danger, et pour le moins à la crainte de se voir traîné sous le poids des chaînes jusqu’à Milan ou à

  1. Xénophon, Cyropédie, l. VIII ; Brisson, De regno persico, l. I, no 190, p. 264. Les empereurs adoptèrent avec plaisir cette métaphore qui venait de la Perse.