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quelques-uns de ses membres les plus respectables, sommés de renoncer à leurs opinions particulières, n’en devinrent que plus hardis à les soutenir, à poursuivre les conséquences de leurs faux principes, et à lever ouvertement l’étendard de la révolte contre l’unité de l’Église. Les gnostiques se distinguèrent surtout par leur politesse, par leur savoir et par leur opulence. L’orgueil leur fit prendre la dénomination générale de gnostiques, qui exprimait une supériorité de connaissances : peut-être aussi ce nom leur fut-il donné ironiquement par des adversaires envieux. Cette secte, composée presque toute de familles païennes, paraît avoir eu principalement pour fondateurs des habitans de la Syrie ou de l’Égypte, contrées où la chaleur du climat dispose et l’esprit et le corps à une dévotion indolente et contemplative. Les gnostiques mêlaient à la foi de Jésus-Christ plusieurs dogmes sublimes, mais obscurs, tirés de la philosophie orientale et même de la religion de Zoroastre, concernant l’éternité de la matière, l’existence de deux principes, et la hiérarchie mystérieuse du monde invisible[1]. Dès qu’ils se furent élancés dans ce vaste abîme, ils prirent pour guide une imagination désordonnée ; et comme les sentiers de l’erreur sont variés et infinis, les gnos-

  1. En peignant les gnostiques du second et du troisième siècle, Mosheim est ingénieux et de bonne foi ; Le Clerc, un peu lourd, mais exact ; Beausobre est presque toujours un apologiste ; il est bien à craindre que les premiers pères de l’Église ne soient très-souvent des calomniateurs.