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vait y employer les richesses, les travaux, et tout ce qui restait encore de génie à des millions de sujets obéissans. On peut se faire une idée des trésors que la magnificence impériale consacra à la construction de Constantinople, par la dépense des murs, des portiques et des aqueducs, dont les frais se montèrent à deux millions cinq cent mille livres sterling[1]. Les forêts qui couvraient les rives de l’Euxin, et les fameuses carrières de marbre blanc qui se trouvaient dans la petite île de Proconnèse, fournirent une quantité inépuisable de matériaux, qu’un court trajet de mer transportait sans peine dans le port de Byzance[2]. Une multitude de manœuvres et d’artisans hâtaient, par leurs travaux assidus, la fin de cette entreprise. Mais l’impatience de Constantin lui fit bientôt découvrir que dans l’état de décadence où se trouvaient les arts, le nombre et le génie de ses architectes ne répondaient point à la grandeur de ses desseins ; il ordonna aux magistrats des provinces les plus éloignées de former des écoles, de payer des professeurs, et d’en-

  1. Six cents centenaires ou soixante mille livres pesant d’or, dit Codinus (Antiquit. Const., p. 11). Ce méprisable auteur n’aurait point connu cette manière de compter si ancienne, s’il ne l’eût pas tirée d’une source plus pure.
  2. Consultez Tournefort (lettre XVI), sur les forêts de la mer Noire ; et sur les carrières de marbre de l’île de Proconnèse, voy. Strabon, l. XIII, p. 588. Ces carrières avaient déjà fourni les matériaux des magnifiques bâtimens de Cyzique.