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à son esprit, l’imagination des écrivains de l’âge suivant a libéralement suppléé à son modeste silence. Ils ont rapporté avec détail la vision nocturne qui apparut à Constantin endormi sous les murs de Byzance. Le génie tutélaire de la ville, sous la figure d’une vieille matrone affaissée par le poids de l’âge et des infirmités, fut tout à coup changé en une jeune fille fraîche et brillante, que l’empereur revêtit lui-même des ornemens de la dignité impériale[1]. Le monarque s’éveilla, interpréta le songe mystérieux, et obéit sans hésiter à la volonté du ciel. Le jour où une ville, ou bien une colonie prenait naissance, était célébré chez les Romains avec toutes les cérémonies que peut inventer une superstition libérale[2]. Constantin omit peut-être quelques-unes de ces pratiques qui semblaient tenir trop fortement de leur origine païenne, mais il ne négligea rien pour laisser dans l’esprit des spectateurs une profonde impression d’espérance et de vénération. L’empereur à pied, une lance à la main, conduisait solennellement le

  1. Les Grecs Théophanes, Cedrenus, et l’auteur de la Chronique d’Alexandrie, ne s’expriment que d’une manière vague et générale. Si l’on veut trouver de plus grands détails sur cette vision, il faut recourir à des auteurs latins, tels que Guillaume de Malmesbury. Voyez Ducange, C. P., l. I, p. 24, 25.
  2. Voyez Plutarque, in Romul., t. I, p. 49, édit. de Bryan. Entre autres cérémonies, on creusait un grand trou, qu’on remplissait de terre : chacun des émigrans en apportait une poignée du lieu de sa naissance, et il adoptait ainsi sa nouvelle patrie.