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pressa saint Justin de déclarer le sentiment de l’Église, il avoua que plusieurs chrétiens orthodoxes, non-seulement privaient leurs frères judaïsans de l’espoir du salut, mais encore que, dans les devoirs ordinaires de l’amitié, de l’hospitalité et de la vie civile, ils refusaient d’avoir avec eux aucune communication[1]. L’opinion la plus rigoureuse l’emporta sur la plus douce, comme on devait naturellement s’y attendre, et les disciples de Moïse furent à jamais séparés de ceux de Jésus-Christ. Les malheureux ébionites, rejetés d’une religion comme apostats, et de l’autre comme hérétiques, se trouvèrent forcés de prendre un caractère plus décidé ; et, quoiqu’on puisse apercevoir jusque dans le quatrième siècle quelques traces de cette ancienne secte, elle se perdit insensiblement dans la Synagogue ou dans l’Église.[2]

  1. Voyez le curieux dialogue de saint Justin martyr, avec le juif Tryphon. La conférence qu’ils eurent ensemble se tint à Éphèse, sous le règne d’Antonin-le-Pieux, vingt ans environ après le retour de l’Église de Pella dans la ville de Jérusalem. Consultez, pour cette date, la note de l’exact Tillemont, Mém. ecclésiast., tom. II, p. 511.
  2. De tous les systèmes de christianisme, celui de l’Abyssinie est le seul qui tienne encore aux rites mosaïques. (Gedde, Histoire de l’Église d’Éthiopie, et dissertations de Le Grand sur la relation du P. Lobo). L’eunuque de la reine Candace peut faire naître quelques soupçons, mais comme on nous assure (Socrate, I, 19 ; Sozomène, II, 24 ; Ludolphe, p. 281) que les Éthiopiens ne furent convertis que dans le quatrième siècle, il est plus raisonnable de croire