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seize milles[1], et sa longueur la plus ordinaire peut se calculer à peu près à un mille et demi. Les nouveaux forts d’Europe et d’Asie sont construits sur les deux continens et sur les fondemens des deux temples célèbres de Sérapis et de Jupiter Urius. Les anciens châteaux, ouvrage des empereurs grecs, défendent la partie la plus étroite du canal, dans un endroit où les deux rives opposées ne sont qu’à cinq cents pas de distance l’une de l’autre. Ces citadelles furent rétablies et fortifiées par Mahomet II, quand il médita le siége de Constantinople[2]. L’empereur ottoman ignorait très-probablement que près de deux mille ans avant lui, Darius avait choisi la même position pour lier ensemble les deux continens par un pont de bateaux[3]. À peu de distance des anciens châteaux, on découvre la petite ville de Chrisopolis ou Scutari, qu’on peut regarder comme le faubourg

  1. Les anciens l’évaluaient à cent vingt stades ou quinze milles romains. Ils ne comptaient que depuis les châteaux neufs ; mais ils étendaient le détroit jusqu’à la ville de Chalcédoine.
  2. Ducas, Hist., c. 34 ; Leunclavius, Hist. turcica musulinanica, l. XV, p. 577. Sous l’empire grec, ces châteaux servaient de prison d’état, et on leur donnait le nom effrayant de Léthé ou Tours d’oubli.
  3. Darius grava sur deux colonnes de marbre, en lettres grecques et assyriennes, les noms des peuples auxquels il donnait des lois, et l’immense tableau de ses forces de mer et de terre. Les Byzantins transportèrent ensuite ces colonnes dans leur ville, et ils les employèrent aux autels de leurs divinités tutélaires. (Hérodot., l. IV, c. 87.)