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différens portaient les gouverneurs des provinces à user de toute la rigueur des lois, ou à se relâcher dans leur exécution. Le plus puissant de ces motifs était leur empressement à se conformer, non-seulement aux édits publics, mais encore aux intentions secrètes de l’empereur, dont un seul coup d’œil suffisait pour allumer ou pour éteindre les flammes de la persécution. Toutes les fois que l’on exerça quelques actes de sévérité dans les diverses parties de l’empire, les premiers chrétiens déplorèrent, et peut-être exagérèrent leurs propres souffrances. [Les dix persécutions.]Mais le nombre célèbre des dix persécutions a été fixé par les écrivains ecclésiastiques du cinquième siècle, dont la vue pouvait embrasser plus complètement les vicissitudes de la fortune de l’Église, depuis Néron jusqu’à Dioclétien. Les parallèles ingénieux des dix plaies de l’Égypte et des dix cornes de l’Apocalypse, leur donnèrent la première idée de ce calcul : en appliquant à la vérité de l’histoire la croyance qu’exigent les prophéties, ils eurent soin de choisir les règnes qui avaient été en effet les plus funestes à la cause du christianisme[1]. Mais ces persécutions passagères servirent seulement à ranimer le zèle des fidèles, et à rétablir leur discipline ; et les momens de rigueur excessive furent compensés par de plus longs intervalles de paix et de sécurité. L’indifférence de quelques princes, et l’in-

  1. Voyez Mosheim, p. 97. Sulpice-Sévère est le premier qui ait imaginé ce nombre, quoiqu’il paraisse vouloir réserver la dixième et la plus grande persécution pour la venue de l’antéchrist.