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raissait plus incertaine, était au moins une offense vénielle ; mais en suivant le troisième, on se rendait coupable d’une apostasie criminelle et directe.

Trois moyens d’éviter le martyre.

1o. Un inquisiteur moderne serait bien étonné d’apprendre que, chez les Romains, toutes les fois que l’on dénonçait un chrétien aux magistrats, on communiquait les charges à l’accusé, et qu’on lui laissait toujours un temps convenable pour arranger ses affaires domestiques, et pour répondre au crime qui lui avait été imputé[1]. S’il doutait de sa

  1. Dans la seconde apologie de saint Justin, on trouve un exemple particulier et très-curieux d’un pareil délai donné par la loi. La même indulgence fut accordée aux chrétiens accusés dans la persécution de l’empereur Dèce ; et saint Cyprien (De lapsis) en parle positivement : Dies negantibus præstitutus (*).
    (*) Les exemples que l’historien tire de saint Justin martyr et de saint Cyprien, sont tout-à-fait particuliers, et ne prouvent rien pour la méthode que l’on suivait généralement envers les accusés : il est évident, au contraire, d’après la même apologie de saint Justin, qu’ils n’obtenaient presque jamais de délai. « Un homme, nommé Lucius, chrétien lui-même, assistant à l’injuste condamnation rendue par le juge Urbicus contre un chrétien, lui demanda pourquoi il punissait ainsi un homme qui n’était ni adultère, ni voleur, ni coupable enfin d’aucun autre crime que de s’avouer chrétien. Urbicus ne lui répondit que ces mots : Toi aussi, tu as l’air d’être chrétien. Oui, sans doute, reprit Lucius. Le juge ordonna qu’on le mît à mort aussitôt ; un troisième survenant fut condamné à être fustigé. » (Justin martyr, Apol. sec., p. 90, éd. Bened. 1742.) Voilà donc trois exemples où aucun délai ne fut accordé ; il en existe une foule d’autres, tels que ceux de Ptolémée, de Marcellus, etc. Saint Justin reproche expressément aux juges de faire exécuter les accusés avant d’avoir jugé la cause. Les paroles de saint Cyprien sont tout aussi particulières, et disent simplement qu’il fut fixé un jour auquel les chrétiens devaient avoir renié leur foi ; ceux qui ne l’avaient pas fait à cette époque étaient condamnés. (Note de l’Éditeur.)