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naître le haut prix qu’on attachait au mérite des martyrs, de pareilles distinctions décèlent le petit nombre de ceux qui souffrirent et qui moururent pour la profession du christianisme.

Ardeur des premiers chrétiens.

Aujourd’hui que l’enthousiasme a fait place à une circonspection réservée, on serait plutôt disposé à critiquer qu’à louer, mais plus encore à louer qu’à imiter la ferveur des premiers chrétiens qui, selon la vive expression de Sulpice-Sévère, désiraient le martyre avec plus d’ardeur que ses contemporains ne sollicitaient un évêché[1]. Les Épîtres composées par saint Ignace, tandis que, chargé de chaînes, il traversait les villes de l’Asie, respirent les sentimens les plus opposés aux sensations ordinaires de l’homme. Il dédaigne la pitié des Romains ; il les conjure instamment de ne point le priver, par leur intercession, de la couronne du martyre, quand il sera exposé dans l’amphithéâtre ; et il déclare que son intention est d’irriter et de provoquer les bêtes sauvages qui doivent être l’instrument de sa mort[2]. On rapporte plusieurs traits de courage de quelques mar-

  1. Certatim gloriosa in certamina ruebatur, multisque avidiùs tum martyria gloriosis mortibus quærebantur, quàm nunc episcopatus pravis ambitionibus appetuntur. Sulpice-Sévère, l. II. Il aurait pu omettre le mot nunc.
  2. Voyez Epist. ad. Roman., c. 4, 5, ap. Patres Apost., t. II, p. 27. Il convenait au but que se proposait l’évêque Pearson (Voy. ses Vindiciæ Ignatianæ, part. 2, c. 9) de justifier les sentimens de saint Ignace par une foule d’exemples et d’autorités.