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de ses victimes, l’empereur prend bien plus de soin à protéger l’innocence qu’à empêcher le coupable de s’échapper. Il reconnaît combien il est difficile de former un plan général ; mais il établit deux règlemens utiles, qui furent souvent l’appui et la consolation des chrétiens opprimés. Quoiqu’il ordonne aux magistrats de punir tout homme convaincu selon les lois, par une sorte de contradiction digne de son humanité, il leur défend de faire aucune perquisition contre ceux que l’on pourrait soupçonner de ce crime. Il ne leur est pas permis de recevoir toute espèce de dénonciation. L’empereur rejette les délations anonymes, comme trop opposées à l’équité de son gouvernement ; et pour convaincre les personnes auxquelles on impute le crime de christianisme, il exige expressément le témoignage positif d’un accusateur qui parle ouvertement et qui se montre en public. Ceux qui jouaient un rôle si odieux, étaient vraisemblablement obligés de motiver leurs soupçons, de spécifier, relativement au temps et au lieu, les assemblées secrètes qu’avaient fréquentées les chrétiens qu’ils accusaient, et de rapporter un grand nombre de circonstances que la plus inquiète vigilance dérobait à l’œil du profane. S’ils réussissaient dans leur poursuite, ils s’attiraient la haine d’un parti considérable et actif ; ils s’exposaient aux reproches des gens honnêtes et éclairés, et ils se couvraient de l’opprobre attaché, dans tous les siècles et dans tous les pays, au caractère de délateur. Si au contraire ils n’apportaient pas de preuves suf-