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d’attention aux articles de foi qu’au culte extérieur, la nouvelle secte, qui cachait avec soin, ou n’annonçait que faiblement sa grandeur et son ambition futures, profita de la tolérance universelle que les Romains accordaient depuis long-temps à un peuple ancien et célèbre de leur empire. Peut-être les Juifs, plus jaloux de leur foi et animés d’un zèle plus violent, ne tardèrent-ils pas à s’apercevoir que leurs frères nazaréens se séparaient de plus en plus de la synagogue ; ils auraient volontiers éteint cette hérésie dans le sang de ceux qui l’avaient embrassée. Mais les décrets du ciel avaient déjà ôté toute arme à leur haine ; on leur avait enlevé l’administration de la justice criminelle ; et quoiqu’ils se portassent quelquefois à la sédition, il ne leur était pas facile d’inspirer à l’esprit calme d’un magistrat romain l’aigreur de leur zèle et de leurs préjugés. Les gouverneurs des provinces prêtaient l’oreille à toutes les accusations qui pouvaient concerner la sûreté publique ; mais dès qu’ils apprenaient qu’il s’agissait de mots, non de faits, et que l’on disputait seulement sur l’interprétation des lois et des prophéties juives ; une discussion sérieuse des différends obscurs qui pouvaient s’élever au milieu d’un peuple barbare et superstitieux, leur paraissait indigne de la majesté de Rome. L’ignorance et le mépris protégèrent l’innocence des premiers chrétiens ; et le tribunal des magistrats idolâtres devint souvent leur asile le plus assuré contre la fureur de la synagogue[1]. Si nous

  1. Voyez dans le dix-huitième et dans le vingt-cin-