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La modération des vainqueurs ne fut pas capable d’apaiser les préjugés inquiets d’un peuple alarmé et scandalisé à la vue des enseignes du paganisme qui devaient nécessairement s’introduire dans une province romaine[1]. En vain Caligula voulut-il placer sa statue dans le temple de Jérusalem ; ce projet insensé fut déjoué par la résolution unanime des habitans, qui redoutaient bien moins la mort qu’une profanation si impie[2]. Leur attachement à la loi de Moïse égalait leur aversion pour tout culte étranger. Leur zèle pieux, resserré et contrarié dans son cours, acquit la force et quelquefois l’impétuosité d’un torrent.

Accroissement successif de ce zèle.

Cette persévérance inflexible, qui paraissait si odieuse ou si ridicule au monde ancien, prend un caractère plus auguste depuis que la Providence a daigné nous révéler l’histoire mystérieuse du peuple choisi ; mais le respect et même le scrupule avec lesquels les Juifs du second temple conservèrent les institutions de Moïse, paraîtront encore plus étonnans, si l’on compare cet attachement avec l’incré-

  1. Voyez en particulier Josèphe, Antiq., XVII, 6, XVIII, c. 6, et De bel. judaico, I, 33, et II, 9.
  2. Jussi à Caio Cæsare effigiem ejus in templo locare, arma potiùs sumpsere. (Tacite, Hist., V, 9.) Philon et Josèphe donnent, avec beaucoup de détail, mais en style de rhéteur, le récit de ce fait, qui embarrassa extrêmement le gouverneur de la Syrie. La première fois que l’on fit cette proposition idolâtre, le roi Agrippa se trouva mal, et il ne revint de son évanouissement que le troisième jour.