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les chrétiens comme une société d’athées, qui avaient osé attaquer la constitution religieuse de l’empire, et dont l’audace méritait que le magistrat civil sévît contre eux selon toute la rigueur des lois. Ils s’étaient séparés (et ils se glorifiaient de l’avouer) de toutes les superstitions adoptées dans les différentes parties du globe par le génie inventif du polythéisme ; mais on ne voyait pas aussi évidemment quelle divinité ou quelle forme de culte ils avaient substituée aux dieux et aux temples de l’antiquité. L’idée pure et sublime qu’ils se formaient de l’Être-Suprême, échappait à l’intelligence grossière du peuple. La multitude des païens ne pouvait concevoir un dieu spirituel et unique, qui n’était représenté sous aucune figure corporelle, ni sous aucun symbole visible, et que l’on n’adorait point avec la pompe ordinaire des libations et des fêtes, des autels et des sacrifices[1]. La raison ou la vanité engageait les sages de la Grèce et de Rome, qui avaient élevé leur esprit à la contemplation de l’existence et des attributs d’une cause première, à réserver pour eux-mêmes et pour leurs disciples choisis le privilége de cette dévotion philosophique[2]. Ils étaient bien loin d’admettre les

  1. Cur nullas aras habent ? templa nulla ? nulla nota simulacra ? … Undè autem, vel quis ille, aut ubi, Deus unicus, solitarius, destitutus ? Minucius-Felix, c. 10. L’interlocuteur païen fait ensuite une distinction en faveur des Juifs qui avaient autrefois un temple, des autels, des victimes, etc.
  2. Il est difficile, dit Platon, de s’élever à la connais-