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une secte ; et l’on croyait que si tout corps politique est obligé de respecter les institutions religieuses de ses voisins, il est de son devoir de conserver celles de ses ancêtres. La voix des oracles, les préceptes des philosophes, et l’autorité des lois concouraient unanimement à fortifier cette obligation nationale. Les prétentions hautaines des Juifs, qui vantaient leur sainteté supérieure, pouvaient porter les polythéistes à les regarder comme une race odieuse et impure. En dédaignant de se mêler avec les autres peuples, les descendans d’Abraham pouvaient s’attirer leur mépris. Les lois de Moïse pouvaient être, pour la plupart, frivoles ou absurdes ; cependant, puisque durant plusieurs siècles elles avaient été reçues par une grande société, ceux qui les pratiquaient, alléguaient pour leur justification l’exemple du genre humain ; et l’on convenait universellement qu’ils avaient le droit d’exercer un culte qu’il ne leur aurait pas été possible de négliger sans être criminels. Mais ce principe, qui devenait la sauvegarde de la synagogue des Juifs, ne pouvait servir à protéger ni à favoriser la primitive Église. Les chrétiens, en embrassant la foi de l’Évangile, étaient supposés coupables d’un crime impardonnable et inouï. Ils rompaient les liens sacrés de la coutume et de l’éducation ; ils violaient les institutions religieuses de leur pays ; et ils méprisaient orgueilleusement tout ce que leurs ancêtres avaient cru comme vrai, avaient révéré comme sacré. Une pareille apostasie (si l’on peut se servir de cette expression) ne tenait pas seu-