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tion, nous rappelle trop souvent la conduite peu judicieuse de ces poètes qui chargent leurs héros invulnérables du poids inutile d’une armure embarrassante et fragile.

Mais comment expliquer ou excuser l’indifférence profonde des païens et des philosophes à la vue de ces témoignages que le Tout-Puissant présentait, non à leur raison, mais à leurs sens ? Durant le siècle de Jésus-Christ, de ses apôtres, et de leurs premiers disciples, la doctrine qu’ils prêchaient fut confirmée par une foule innombrable de prodiges : le boiteux marchait, l’aveugle voyait, le malade recouvrait la santé, les morts sortaient de leurs tombeaux, les démons étaient chassés, et la nature, en faveur de l’Église, suspendait perpétuellement ses lois. Mais les sages de la Grèce et de Rome détournèrent leurs regards de ce spectacle auguste : livrés à l’étude et aux occupations ordinaires de la vie, ils ne paraissent pas avoir remarqué aucune altération dans le gouvernement physique ou moral de l’univers. Sous le règne de Tibère, toute la terre[1], ou du moins une province célèbre de l’Empire romain[2],

  1. Les pères, rangés en ordre de bataille, comme ils le sont par D. Calmet (Dissertation sur la Bible, tome III, p. 295-308), paraissent couvrir toute la terre de ténèbres ; en quoi ils sont suivis par la plupart des modernes.
  2. Origène, ad Matth., c. 27, et un petit nombre de critiques modernes, Bèze, Le Clerc, Lardner, etc., ne voudraient point étendre ces ténèbres au-delà des limites de la Judée.