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d’agrandir les bornes de l’empire chrétien. Dépourvus de toute force temporelle, pendant long-temps ils furent découragés et opprimés, plutôt que soutenus par le magistrat civil ; mais ils avaient déjà acquis, et employaient dans leur propre société les deux plus puissans ressorts du gouvernement, les récompenses et les punitions ; la pieuse libéralité des fidèles fournissait le premier ; on tirait l’autre de leurs appréhensions religieuses.

Offrandes et revenu du clergé.

I. La communauté des biens qui avait séduit l’imagination de Platon[1], et qui subsistait en quelque sorte dans la secte austère des esséniens[2], fut adoptée durant quelque temps par la primitive Église. La ferveur des premiers prosélytes les porta d’abord à vendre ces possessions mondaines qu’ils méprisaient, à en venir déposer le prix aux pieds des apôtres, et à se contenter d’une part égale dans la distribution commune[3]. Les progrès du christianisme relâchèrent et abolirent par degrés une in-

  1. La communauté instituée par Platon est plus parfaite que celle que sir Thomas Morus a imaginée pour son Utopie. La communauté des femmes et celle des biens temporels peuvent être regardées comme des parties inséparables du même système.
  2. Josèphe, Antiquit., XVIII, 2 ; Philon, De vitâ contemplativ.
  3. Voyez les Actes des apôtres, c. 2, 4, 5, avec le Commentaire de Grotius. Mosheim, dans une dissertation particulière, attaque l’opinion commune par des argumens très-peu concluans.