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vouait l’armée ennemie, avec de terribles imprécations, aux dieux de la guerre et du tonnerre[1]. Dans la religion du soldat, la lâcheté est le plus grand des crimes : elle paraissait telle aux yeux des Germains. L’homme courageux se rendait digne des faveurs et de la protection de leurs belliqueuses divinités. Le malheureux qui avait perdu son bouclier était banni à jamais de toutes les assemblées civiles et religieuses. Quelques tribus du Nord semblent avoir embrassé la doctrine de la transmigration[2] ; d’autres avaient imaginé un paradis grossier, où les héros s’enivrent pendant toute l’éternité[3]. Elles convenaient toutes qu’une vie passée dans les combats et une mort glorieuse pouvaient seules assurer un avenir heureux, soit dans ce monde-ci, soit dans l’autre.

Les bardes.

L’immortalité, si vainement promise au héros germain par ses prêtres, lui était, jusqu’à un certain point, assurée par les bardes. Cette classe d’hommes singuliers a mérité l’attention de tous ceux qui

  1. Voyez un exemple de cette coutume. Tacite, Ann., XIII, 57.
  2. César, Diodore et Lucain paraissent attribuer cette doctrine aux Gaulois ; mais M. Pelloutier (Hist. des Celtes, l. III, c. 18) travaille à réduire leurs expressions à un sens plus orthodoxe.
  3. Pour connaître cette doctrine grossière, mais séduisante, voyez la fable IXe de l’Edda, dans la trad. curieuse de ce livre, donnée par M. Mallet, Introduction à l’Histoire du Danemarck.