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de la population semblent avoir convaincu les philosophes modernes de la fausseté, de l’impossibilité même de cette hypothèse. Aux noms de Mariana et de Machiavel[1] nous pouvons en opposer d’aussi respectables, ceux de Hume et de Robertson[2].

Liberté.

Un peuple guerrier qui n’a point de villes, qui néglige tous les arts, et qui ne connaît l’usage ni des lettres ni de la monnaie, trouve cependant dans la jouissance de la liberté quelque compensation à cet état de barbarie : tels étaient les Germains ; leur pauvreté assurait leur indépendance. En effet, nos possessions et nos désirs sont les chaînes les plus fortes du despotisme. « Les Suéones, dit Tacite[3], honorent les richesses : aussi sont-ils soumis à un monarque absolu. Les armes ne sont pas parmi eux, comme chez les autres peuples germaniques, entre les mains de tout le monde ; le roi les tient en dépôt sous la garde d’un homme de confiance, et cet homme n’est pas citoyen ; ce n’est pas même un affranchi, c’est un esclave. Les voisins des Suéones, les Sitones[4]; sont tombés au-dessous de la servitude ; ils obéissent

  1. Machiavel, Histoire de Florence, liv. I ; Mariana, Hist. d’Espagne, l. V, c. 1.
  2. Robertson, Hist. de Charles-Quint ; Hume, Essais polit.
  3. Traduction de l’abbé de La Bléterie.
  4. Tacite, Germ., 44, 45. Frenshemius, qui a dédié son Supplément de Tite-Live à Christine, reine de Suède, croit devoir paraître très-fâché contre le Romain qui traite avec si peu de respect les reines du Nord.