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précieuse qui distingue principalement un peuple civilisé d’une horde de sauvages plongés dans les ténèbres de l’ignorance, ou incapables de réflexion. Privé de ce secours artificiel, l’homme perd le souvenir ou altère la nature des idées qu’il a reçues. Bientôt les modèles s’effacent, les matériaux disparaissent, le jugement devient faible et inactif, l’imagination reste languissante, ou, si elle veut prendre l’essor, elle n’enfante que des chimères. Enfin, l’âme abandonnée à elle-même méconnaît insensiblement l’exercice de ses plus nobles facultés. Pour nous convaincre de cette vérité importante, considérons l’état actuel de la société. Quelle distance immense entre l’homme instruit et le paysan entièrement privé de la connaissance des lettres ! Le premier, par le secours de la lecture ou la réflexion, multiplie sa propre expérience ; il parcourt tout l’univers ; il se transporte dans les siècles les plus éloignés. L’autre, attaché à la glèbe qui l’a vu naître, borné à quelques années d’existence, l’emporte à peine en intelligence sur ce bœuf, tranquille compagnon de ses travaux. On trouvera une différence encore plus grande parmi les nations que parmi les individus. N’en doutons point, sans une méthode propre à ex-

    runiques sont supposées être du troisième siècle, et que le plus ancien écrivain qui ait parlé des caractères runiques est Venantius-Fortunatus (Carm. VII, 18), qui vivait vers la fin du sixième siècle.

    Barbara Fraxineis pingatur ruua tabellis.