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singulière. Depuis long-temps les Romains applaudissaient à la clémence du vainqueur lorsque les peines ordinaires de mort, d’exil et de confiscation étaient infligées avec quelque degré de modération et de justice : ils furent agréablement surpris de l’issue d’une guerre civile dont la rage ne s’étendit pas au-delà du champ de bataille. L’empereur donna sa confiance au principal ministre de la maison de Carus, Aristobule. Il respecta la vie, la fortune, la dignité de ses adversaires ; et même les serviteurs de Carin[1] conservèrent, pour la plupart, leurs emplois. La prudence contribua vraisemblablement à l’humanité de l’artificieux Dalmate. Parmi tous ces officiers, les uns avaient acheté sa faveur par une trahison secrète ; il estimait dans les autres les sentimens de fidélité et de reconnaissance qu’ils avaient montrés pour un maître infortuné. Aurélien, Probus et Carus, princes habiles, avaient placé dans les différens départemens de l’état et de l’armée des sujets d’un mérite reconnu, dont l’éloignement serait devenu nuisible au service public, sans servir à l’intérêt du prince. D’ailleurs, une pareille conduite donnait à l’univers romain les plus magnifiques espérances. L’empereur eut soin de fortifier ces impressions favorables, en déclarant que de toutes les vertus

  1. Dans cet éloge, Aurelius-Victor paraît censurer avec raison, quoique d’une manière indirecte, la cruauté de Constance. On voit, par les Fastes, qu’Aristobule demeura préfet de la ville, et qu’il finit avec Dioclétien le consulat qu’il avait commencé avec Carin.