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où les troupes apaisaient leur faim par un repas frugal. Les Perses demandèrent à paraître en présence de Carus. Ils parcoururent les rangs sans apercevoir l’empereur. On les conduisit enfin à un soldat assis sur le gazon, et qui n’avait pour marque distinctive qu’un manteau de pourpre, fait d’une étoffe grossière. Un morceau de lard rance et quelques vieux pois, composaient son souper. La même simplicité régna dans la conférence. Carus, ôtant un bonnet qu’il portait pour cacher sa tête chauve, assura les ambassadeurs que si leur maître refusait de reconnaître la souveraineté de Rome[1], il rendrait bientôt la Perse aussi dépouillée d’arbres que sa tête l’était de cheveux. Quoiqu’il y eût peut-être de l’affectation dans cette scène, elle peut nous donner une idée des mœurs de Carus, et de la simplicité sévère qu’avaient déjà ramenée dans les camps les belliqueux successeurs de Gallien. Les ministres du grand roi tremblèrent, et se retirèrent.

Ses victoires, et sa mort extraordinaire.

Les menaces de Carus ne furent pas sans effet. Il ravagea la Mésopotamie, renversa tout ce qui s’opposait à son passage, se rendit maître de Séleucie et de Ctésiphon, places importantes, qui paraissent s’être rendues sans résistance : enfin, il porta ses armes victorieuses au-delà du Tigre[2]. Ce prince

  1. Synesius attribue cette histoire à Carin : il est bien plus naturel de la donner à Carus qu’à l’empereur Probus, comme l’ont fait Tillemont et Petau.
  2. Vopiscus, Hist. Aug., p. 250 ; Eutrope, IX, 18 ; les deux Victor.