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profession des armes, semblent n’être compensés que par une vie d’oisiveté et de plaisir. Mais si les travaux du paysan aggravent perpétuellement les devoirs du guerrier, le soldat succombera sous le fardeau, ou le rejettera avec indignation. Probus lui-même enflamma, dit-on, par une imprudence, le mécontentement des troupes. Plus occupé des intérêts du genre humain que de ceux de l’armée, et flatté de ce vain espoir qu’une paix perpétuelle lui épargnerait bientôt la nécessité d’avoir toujours sur pied une multitude de mercenaires dangereux, il avait eu l’imprudence de le manifester[1]. Ces paroles peu réservées lui devinrent fatales. Dans un des jours les plus chauds de l’été, comme il faisait dessécher les marais de Sirmium, et qu’il pressait les travaux avec beaucoup d’ardeur, les soldats irrités jettent tout à coup leurs outils, prennent les armes et se révoltent. Leurs cris séditieux, la fureur peinte dans leurs regards, annoncent à l’empereur le danger qui le menace. [A. D. 282. Août.]Il se réfugie dans une tour élevée, qu’il avait construite pour diriger les ouvrages[2]. La tour est à l’instant forcée, et mille épées sont plongées dans le sein de l’infortuné Probus. La rage des troupes s’apaisa, dès qu’elle eut

    Probus, qui, selon lui, mérita presque sa malheureuse destinée.

  1. Vopiscus, Hist. Aug., p. 241. Il fait sur ce vain espoir un grand et ridicule étalage d’éloquence.
  2. Turris ferrata. Il paraît que cette tour était mobile et garnie de fer.