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Cependant, malgré tant de causes de désordre, la mémoire d’Aurélien, sa discipline rigide, réprimèrent l’esprit séditieux des troupes aussi-bien que la fatale ambition de leurs chefs. L’élite des légions resta campée sur les rives du Bosphore, et le drapeau impérial imprima du respect aux camps moins formidables de Rome et des provinces. Un enthousiasme généreux, quoique momentané, semblait animer l’ordre militaire. Il faut croire qu’un petit nombre de zélés patriotes entretinrent la nouvelle amitié du sénat et de l’armée, comme le seul moyen de rétablir la vigueur du gouvernement et de rendre à la république son ancienne splendeur.

Le consul assemble le sénat. A. D. 275. 25 septembre.

Le vingt-cinq septembre, huit mois environ après la mort d’Aurélien, le consul convoqua les sénateurs et leur exposa la situation incertaine et dangereuse de l’empire. Après avoir insinué légèrement que la fidélité précaire des légions dépendait d’un seul instant, du moindre accident, il peignit, avec l’éloquence la plus persuasive, les périls sans nombre qui suivraient un plus long délai pour le choix d’un empereur. On avait appris, disait-il, que les Germains avaient depuis peu passé le Rhin ; qu’ils s’étaient emparés des villes les plus opulentes et les plus fortes de la Gaule. L’ambition du roi de Perse tenait tout l’Orient dans de perpétuelles alarmes. L’Égypte, l’Afrique et l’Illyrie se voyaient exposées aux armes des ennemis étrangers et domestiques. Et les inconstans Syriens étaient toujours prêts à préférer même le sceptre d’une femme à la sainteté des