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CHAPITRE XII.

Conduite de l’armée et du sénat après la mort d’Aurélien. Règnes de Tacite, de Probus, de Carus et de ses fils.

Contestation singulière entre le sénat et l’armée pour le choix d’un empereur.

Telle était la triste condition des empereurs romains, que ces princes, quelle que pût être leur conduite, éprouvaient ordinairement la même destinée. Une vie de plaisir ou de vertu, de douceur ou de sévérité, d’indolence ou de gloire, les conduisait également à une mort prématurée. Presque tous les règnes finissent par une catastrophe semblable : ce n’est qu’une répétition fatigante de massacres et de trahisons. Le meurtre d’Aurélien est cependant remarquable par les événemens extraordinaires dont il fut suivi. Les légions respectaient leur chef victorieux ; elles le pleurèrent et vengèrent sa mort. L’artifice de son perfide secrétaire fut découvert et puni, les conspirateurs eux-mêmes, reconnaissant l’erreur qui les avait armés contre un souverain innocent, assistèrent à ses funérailles avec un repentir sincère ou bien étudié ; et ils souscrivirent à la résolution unanime de l’ordre militaire, dont les sentimens sont exprimés dans la lettre suivante : « Les braves et fortunées armées au sénat et au peuple de Rome. Le crime d’un seul et la méprise de plusieurs nous ont enlevé notre dernier empereur Aurélien : vous dont les soins paternels dirigent l’état, vénérables pères conscrits, veuillez mettre ce prince