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couler des flots de sang : un neveu même de l’empereur fut sacrifié ; et, si nous pouvons emprunter les expressions d’un poète du temps, les bourreaux étaient fatigués, les prisons remplies d’une foule de victimes, et le malheureux sénat déplorait la mort ou l’absence de ses plus illustres membres[1]. Cette assemblée ne se trouvait pas moins offensée de l’orgueil de l’empereur que de sa tyrannie. Trop peu éclairé ou trop fier pour se soumettre aux institutions civiles, Aurélien prétendait ne tenir sa puissance que de l’épée ; il gouvernait par droit de conquête une monarchie qu’il avait sauvée et subjuguée[2].

Il marche en Orient, et est assassiné.

Ce prince, selon la remarque d’un empereur judicieux que nous verrons bientôt régner avec éclat, avait des talens plus propres au commandement d’une armée qu’au gouvernement d’un empire[3]. [A. D. 274. Octobre.]Aurélien, impatient de rentrer dans une carrière où la nature et l’expérience lui donnaient une si grande supériorité, prit de nouveau les armes quelques mois après son triomphe. Il lui importait d’exercer dans quelque guerre étrangère l’esprit inquiet des légions ; et le monarque persan, fier de la honte de Valérien, bravait toujours avec impunité la majesté de la ré-

  1. Nulla catenati feralis pompa senatûs
    Carnificum lassabit opus ; nec carcere pleno
    Infelix raros numerabit curia patres.

        Calphurn., Églog I, 60.

  2. Selon Victor le jeune, il porta quelquefois le diadème. On lit sur ses médailles : Deus et Dominus.
  3. Cette observation est de Dioclétien. Voyez Vopiscus, Hist. Aug., p. 224.