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belliqueux, avaient achevé la conquête de l’Orient et des provinces occidentales.

Cruauté d’Aurélien.

Quel que fût le motif ou l’objet de cette rebellion, que l’histoire impute avec si peu de probabilité aux ouvriers de la monnaie, Aurélien usa de sa victoire avec une implacable rigueur[1]. Naturellement sévère, il avait conservé sous la pourpre le cœur d’un paysan et d’un soldat. Il cédait difficilement aux douces émotions de la sensibilité : la mort, les tourmens, et le spectacle de l’humanité souffrante, paraissaient ne lui faire aucune impression. Élevé dès sa plus tendre jeunesse dans l’exercice des armes, il mettait trop peu de prix à la vie d’un citoyen ; et, punissant par une exécution militaire les moindres offenses, il transportait dans l’administration civile la discipline rigide des camps. Son amour pour la justice devint souvent une passion aveugle et furieuse. Toutes les fois qu’il croyait sa personne ou l’état en danger, il dédaignait les formes ordinaires, et n’observait aucune proportion entre le délit et la peine. La révolte dont les Romains semblaient récompenser ses services, enflamma son esprit altier. Les plus nobles familles de la république, accusées ou soupçonnées d’être entrées dans ce complot, dont il est si difficile de démêler la cause, éprouvèrent les effets de son ressentiment. Son ardente vengeance fit

  1. Vopiscus, Hist. Aug., p. 222 ; les deux Victor ; Eutrope, IX, 14. Zosime (l. I, p. 43) ne parle que de trois sénateurs, et place leur mort avant la guerre d’Orient.