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vie, provoque enfin à la révolte ceux qui se trouvent forcés à rester dans leur patrie, ou qui ne peuvent se résoudre à l’abandonner. Il en est tout autrement d’une opération qui, par quelque expédient que ce soit, rétablit la juste valeur de la monnaie. Le bénéfice permanent efface bientôt le mal passager. La perte se partage entre une grande multitude ; et s’il est un petit nombre d’individus opulens dont la fortune éprouve une diminution sensible, ils perdent avec leurs richesses l’influence qu’elles leur procuraient. À quelque point qu’Aurélien ait voulu déguiser la cause réelle de la révolte, la réformation de la monnaie n’a pu être qu’un faible prétexte saisi par un parti mécontent et déjà puissant. Rome, quoique privée de liberté, était en proie aux factions. Le peuple pour lequel l’empereur, né lui-même plébéïen, montrait toujours une affection particulière, vivait dans une dissension perpétuelle avec le sénat, les chevaliers et les gardes prétoriennes[1]. Il ne fallait rien moins que l’union secrète, mais ferme, de ces ordres, il fallait le concours de l’autorité du premier, des richesses du second et des armes du troisième, pour rassembler des forces capables de se mesurer contre les légions du Danube, composées de vétérans, qui, sous la conduite d’un souverain

  1. La discorde était déjà excitée avant qu’Aurélien revint de l’Égypte. Voyez Vopiscus, qui cite une lettre originale. Hist. Aug., p. 224.