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le gouvernement de la tranquille province d’Aquitaine ; emploi convenable à son caractère et à son éducation. Devenu maître de la Gaule, de l’Espagne et de la Bretagne, il fut pendant quatre ou cinq ans l’esclave et le souverain d’une armée licencieuse, qu’il redoutait, et dont il était méprisé. La valeur et la fortune d’Aurélien firent espérer à Tetricus d’être bientôt délivré du joug qu’il portait. [A. D. 271.]Ce malheureux prince osa découvrir à l’empereur sa triste situation ; il le conjura de venir au secours d’un rival infortuné. Si les légions de la Gaule eussent été informées de cette correspondance secrète, elles auraient probablement immolé leur général. Il ne pouvait abandonner le sceptre de l’Occident sans avoir recours à un acte de trahison contre lui-même. Il affecta les apparences d’une guerre civile, s’avança dans la plaine à la tête de ses troupes, les posta de la manière la plus désavantageuse, instruisit Aurélien de toutes ses résolutions, et passa de son côté, au commencement de l’action, avec un petit nombre d’amis choisis. Les soldats rebelles, quoiqu’en désordre et consternés de la désertion inattendue de leur chef, se défendirent long-temps avec le courage du désespoir. Ils furent enfin taillés en pièces, presque jusqu’au dernier, dans cette bataille sanglante et mémorable qui se donna près de Châlons en Champagne[1]. Un nombreux corps d’auxiliaires, com-

  1. Pollion, Hist. Aug., p. 196 ; Vopiscus, Hist. Aug., p. 220 ; les deux Victor, Vies de Gallien et d’Aurélien ; Eu-